PRINTEMPS DU LIVRELe Prix Goncourt 2008, Atiq Rahimi, a rencontré hier des détenus de la prison de Varces
Il est arrivé « ému ». Et reparti « bouleversé ». Mais savait-il qu'en pénétrant dans l'enceinte de la maison d'arrêt de Varces il allait en ouvrir grand les fenêtres ? Sans doute pas? Deux heures durant, le temps d'une rencontre avec une petite trentaine de détenus et quelques membres du personnel pénitentiaire, Atiq Rahimi a pourtant fait souffler un vent de liberté dans la prison, transformant ce qui aurait pu être un vendredi après-midi ordinaire en un instant précieux. De ceux dont on se souvient longtemps et qui vous accompagnent sur le chemin, parfois semé d'embûches, de la vie.
« Emprisonné, mon père me demandait d'apporter des ouvrages »
Invité dans le cadre du Printemps du livre de Grenoble à venir évoquer son expérience avec des hommes dont il ne connaissait ni l'histoire ni le nom, l'écrivain-cinéaste-photographe d'origine afghane a parlé de son roman bien sûr, "Syngué sabour, Pierre de patience" (POL, 350 000 exemplaires vendus), de l'écriture, du récit, de la difficulté de trouver une fin? Mais le Prix Goncourt 2008 s'est surtout mis à nu, racontant son enfance, son pays, cet Afghanistan « étonnant et plein de contradictions », sa fuite durant neuf jours et neuf nuits, son exil, enfin, vers la France en 1985. Et il n'a fallu que quelques mots, quelques regards échangés, pour que s'installe une confiance. Une intimité presque, entre l'auteur et son public. Ce public avec lequel Atiq Rahimi partage beaucoup plus qu'il n'y paraît. Car c'est dans le monde clos d'une prison de Kaboul que l'écrivain a découvert « l'amour des livres » : « Lors du coup d'État de 1973, mon père, qui était monarchiste, a été arrêté et emprisonné pendant deux ans et demi. J'avais 11 ans et je lui rendais visite tous les vendredis. À chaque fois, il me demandait d'apporter un ouvrage. Ensemble, nous lisions de la poésie, des romans. Grand admirateur de Victor Hugo, c'est à cette époque qu'il m'a fait découvrir "Les Misérables". Une révélation ! ». Ainsi donc se forgent les destins?
Depuis, l'homme n'a cessé de voyager, d'écrire, de filmer, de photographier. De se rebeller aussi (« Entre un père anarchiste et un frère aîné communiste, je n'avais pas d'autre choix que de devenir anarchiste ! »), de s'élever contre la guerre, contre toutes les guerres, contre le sort réservé aux femmes (« Quand une mère souffre, toute l'humanité souffre avec elle »), contre l'hypocrisie. « Heureusement, nous avons l'imagination, c'est ça qui nous sauve. La littérature, le cinéma, ce sont comme des ponts entre nous, qui nous permettent de garder toujours l'espoir de la vie. Même quand la mort rôde ».
Source:Le Dauphiné Libéré.