Née le 14 mars 1931 à Batna dans une famille française, Colette Anna Grégoire, épouse Melki, pour l’état civil, a grandi à Menaâ, commune d’Arris. Son enfance au cœur des Aurès déterminera toute sa vie et, avant même ses engagements politiques ou culturels, l’adolescente sera marquée par l’extrême pauvreté, mais aussi les traditions de solidarité et la dignité des Chaouis. Se considérant déjà comme pleinement Algérienne, c’est à Annaba que son éveil politique prendra forme et l’amènera à participer directement à la guerre de Libération nationale. Elle sera arrêtée par les parachutistes de Massu en 1957 et emprisonnée à Barberousse (Alger) avant d’être expulsée d’Algérie. Cet engagement a donné à son écriture poétique à la fois un souffle et une thématique centrale parcourue également d’une ode permanente à la grandeur de l’amour et à la beauté du pays. Elle est considérée comme l’une des premières écrivaines algériennes et c’est sous le pseudonyme de Anna Gréki qu’elle s’est fait connaître, laissant une œuvre peu abondante, riche et enlevée, généralement sous forme de vers libres. En 1963, l’éditeur canadien J.-P. Oswald publie son fameux recueil Algérie, capitale Alger, édité simultanément à Tunis avec une préface de Mostefa Lacheraf et une traduction jointe en arabe de Tahar Cheriaâ. Plusieurs de ses poèmes ont paru dans des revues, notamment à partir de l’indépendance dans l’hebdomadaire Révolution africaine. Décédée en janvier 1966 dans une maternité, elle ne verra pas paraître son recueil intitulé Temps forts, édité la même année par Présence africaine (Paris). Mostefa Lacheraf, dans la préface précitée, a écrit : « On rêvera longtemps après la lecture de ces poèmes. Cette toute jeune femme porte la marque des plus grands. »
J'habite une ville si candide
Qu'on l'appelle Alger la Blanche
Ses maisons chaulées sont suspendues
En cascade en pain de sucre
En coquilles d'oeufs brisées
En lait de lumière solaire
En éblouissante lessive passée au bleu
En dentelle en entre-deux
En plein milieu
De tout le bleu
D'une pomme bleue
Je tourne sur moi-même
Et je bats ce sucre bleu du ciel
Et je bats cette neige bleue de mer
Bâtie sur des îles battues qui furent mille
Ville audacieuse
Ville démarrée
Ville marine bleu marine saline
Ville au large rapide à l'aventure
On l'appelle El Djezaïr
Comme un navire
De la compagnie Charles le Borgne